Immigration : Éric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau dévoilent le projet des LR

21 mai 2023

Les trois leaders de la droite – Éric Ciotti, Olivier Marleix et Bruno Retailleau – dévoilent le contenu des deux textes de loi qu’ils déposeront cette semaine sur l’immigration.

Quelques étages plus bas, le bureau politique des ­Républicains vient de s’achever. Quand ils entrent ce mardi soir dans le bureau du président de LR pour poser pour le JDD, Éric Ciotti, ­Olivier Marleix et Bruno Retailleau entendent envoyer un message : la droite est unie sur l’immigration et met Emmanuel Macron au défi de sortir de ses atermoiements sur le sujet. Les trois présidents – de LR, des groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat – sont sur la même longueur d’onde. Certes, le bout du tunnel est encore loin pour la droite. Mais Éric Ciotti prévient : « Il faut compter avec nous. »

Vous dévoilez deux propositions de loi sur l’immigration. Quel est leur objectif ?

Éric Ciotti. Changer totalement de cadre en matière de politique migratoire. Depuis vingt ans, 21 lois sur le sujet ont été votées, toutes impuissantes. Nous proposons donc un projet de rupture, à la fois audacieux et sérieux, pour mettre un coup d’arrêt à l’immigration de masse. Les Français doivent pouvoir choisir qui ils accueillent, qui ils ne souhaitent pas accueillir et qui n’a plus sa place sur notre territoire. Et, pour cela, il faut d’abord modifier la Constitution afin de restaurer notre souveraineté en matière migratoire. Car, si les gouvernements ont échoué jusque-là, c’est par complaisance idéologique, comme ceux de M. Hollande ou de M. Macron, mais aussi en raison d’obstacles juridiques réels. Nous mettons donc sur la table deux propositions de loi. La première, constitutionnelle, redonnera au législateur les moyens d’agir. Une fois ce préalable posé, nous pourrons mettre en œuvre les mesures puissantes prévues par notre ­deuxième proposition de loi.

Pourquoi modifier la Constitution ?

Bruno Retailleau. Au cours des dernières décennies s’est mise en œuvre une révolution juridique silencieuse. Le pouvoir n’est plus entre les mains du Parlement, mais entre celles des Cours suprêmes : Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme… Si nous ne modifions pas la Constitution, nous aurions beau voter des lois au Parlement, elles seraient aussitôt contredites par ce gouvernement des juges. Or, les Français nous le disent dans tous les sondages : il y a trop d’immigrés. Il faut reprendre le contrôle. Emmanuel Macron, lui, triche avec les Français. Non seulement le texte annoncé sur l’immigration a été programmé, déprogrammé, reprogrammé, saucissonné, fusionné, avec un peu de droite par-ci, un peu de gauche par-là… mais il a pour objectif d’expulser plus et, « en même temps », de régulariser plus. Ça ne peut pas fonctionner !

Que voulez-vous modifier dans la Constitution ?

B.R. Nous voulons permettre la tenue d’un référendum sur la politique migratoire. Aujourd’hui, l’article 11 de Constitution ne ­l’autorise pas : le référendum ne peut porter que sur l’organisation des pouvoirs publics et des réformes économiques, sociales et environnementales. Avec notre proposition de loi constitutionnelle, les Français pourront se prononcer sur tout projet de loi ou projet de loi organique quel qu’en soit le sujet, y compris l’immigration. Nous souhaitons aussi inscrire dans la Constitution la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen avec une loi organique, votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées ou approuvée par référendum, quand « les ­intérêts fondamentaux de la nation » sont en jeu. Grâce à ce bouclier constitutionnel, les dispositions adoptées ainsi ne pourront plus être contredites par le droit international. Nous voulons, enfin, ­affirmer dans notre loi fondamentale le refus des communautarismes, élever au rang constitutionnel le principe d’assimilation et poser les bases juridiques indispensables pour permettre au Parlement de se prononcer chaque année sur des quotas, pour éloigner les étrangers représentant une menace pour la sécurité publique ou ayant été condamné à une peine d’emprisonnement, et réformer nos ­procédures d’asile. Ces dernières devront désormais être ­instruites dans nos représentations ­diplomatiques et consulaires à l’étranger ou à nos frontières, mais plus sur le territoire national.

Votre objectif est-il de réguler les flux d’immigration, de les réduire ou de les stopper ?

E.C. Nous voulons mettre fin à une situation incontrôlée. En 2022, pas loin de 500 000 migrants légaux sont entrés sur notre territoire. C’est un record absolu. Élu d’un département frontalier, je suis témoin d’une submersion migratoire. Les débarquements en Italie ont été multipliés par cinq depuis le mois de janvier. Avec l’instabilité en Tunisie, la dégradation de nos relations avec le Maroc, le chaos en Libye, l’explosion démographique en Afrique, le risque d’accroissement des flux est considérable. Il faut réagir. Pour autant, je ne suis pas adepte d’une immigration zéro, parce que c’est illusoire. Nous disons non à l’impuissance, et non à la démagogie. Nous faisons sauter les verrous qui contredisent la volonté populaire, ce que personne n’a osé depuis quarante ans. Mais nos propositions sont sérieuses, juridiquement étayées, applicables.

Quel est l’objectif de la deuxième proposition de loi ?

B.R. Cette loi ordinaire pose quatre principes pour une ­nouvelle ­politique migratoire. D’abord, couper les pompes aspirantes ; ensuite, affirmer qu’on n’entre pas en France par effraction en rétablissant le délit pour séjour clandestin ; proclamer que nos lois ne sont pas négociables, avec le retour de la double peine ; enfin, le quatrième principe, c’est le donnant-donnant. Nous assumons un bras de fer avec les pays qui n’acceptent pas de donner des laissez-passer consulaires pour récupérer leurs ressortissants. Tant au niveau des visas qu’au niveau de l’aide au développement.
Olivier Marleix. Nous changeons radicalement d’approche avec ces deux textes. Les Français attendent une reprise en main énergique de l’immigration. Le gouvernement nous dit qu’il veut un texte ? Eh bien, nous lui en proposons deux ! Pour nous, c’est ça ou rien.

C’est ce que vous allez dire au gouvernement, qui a lancé des consultations sur un projet de loi annoncé pour juillet ?

O.M. Cela fait un an que le gouvernement procrastine. Il a déjà changé de pied sept fois, parce qu’il y a une ambiguïté fondamentale entre Gérald Darmanin, qui veut faire croire qu’il veut durcir les règles, et Olivier Véran, qui nous explique, depuis le Danemark, qu’il ne faut surtout pas les durcir. Nous leur proposons une solution sur la question migratoire. Une solution de droite. J’espère que, rapidement, nous pourrons enclencher le processus au Sénat. (Il se tourne vers Bruno Retailleau.)
B.R. Avec Olivier, nous déposerons les textes ensemble cette semaine. Ensuite, nous pourrons les inscrire à l’ordre du jour, du Sénat notamment, à l’automne, pour ce qui est du texte ordinaire.
E.C. Je dis au gouvernement et au président de la République : chiche. Si vous voulez sincèrement changer de politique migratoire, il faut voter cette révision de la Constitution. Sinon, rien ne sera possible. Allez-y. Saisissez cette opportunité. Toute autre décision serait de la procrastination et le choix de l’impuissance. Nous pouvons nous retrouver dans une vraie démarche pour enfin changer la donne, sortir des slogans et des postures.
O.M. Mais les Français n’accepteront pas un texte qui fasse semblant. Ils attendent une vraie réforme. C’est pourquoi je ­déposerai une motion de censure si le gouvernement tentait de faire passer par 49-3 un texte laxiste. Je l’ai dit à la Première ministre. Je pense que le message a été reçu.

Envisager de déroger aux traités européens, cela ne revient-il pas in fine à sortir de l’UE ?

B.R. Non, pas du tout. Parce que le sujet, c’est moins les traités que l’interprétation qu’en font les juges. Quand le juge s’exonère de la loi, il faut qu’une loi organique permette d’intervenir. Sinon, c’est dire aux Français que le pouvoir n’appartient plus à leurs représentants, que la souveraineté populaire n’est plus le principe fondateur de la démocratie.
E.C. Ce texte n’est pas antieuropéen. Il s’inscrit dans le cadre des institutions européennes. D’ailleurs, une politique migratoire cohérente doit être européenne. Elle passe par une véritable politique de protection des frontières externes de l’Europe, avec davantage de moyens pour Frontex. L’essentiel se joue dans les arrivées. C’est d’abord là que l’on doit gagner la partie. Il faut couper les flux entrants. Regardez ce qu’a fait le Danemark en envoyant un message clair. Ils disposent de marges de manœuvre plus fortes que les nôtres en matière migratoire parce qu’ils ont obtenu une dérogation sur l’application des traités européens.
B.R. Des « opt-out ».
E.C. Il ne subit pas les contraintes d’une réglementation européenne, qui, à bien des égards, apparaît mal calibrée en matière de flux migratoires. Ce qui est en jeu, c’est la subsistance de notre nation, sa cohésion. C’est pourquoi notre projet permet de déroger aux accords internationaux si les intérêts fondamentaux de la nation sont en cause.

L’immigration met-elle en cause ces « intérêts fondamentaux » ?

Ensemble. Bien sûr !
B.R. Le chaos migratoire conduit à l’insécurité, à la partition et au chaos politique. À Mayotte, Jean-Marie Le Pen faisait moins de 12 % il y a vingt ans. En 2022, Marine Le Pen y a recueilli 59 % des voix.
E.C. Sur ce territoire de la République, les personnes en situation illégale sont désormais majoritaires. Si on n’y met pas un coup d’arrêt, la métropole peut suivre le même chemin que Mayotte dans les décennies à venir. Quand on accueille quasiment 500 000 étrangers en situation légale par an, on imagine les conséquences dans dix ans. Il faut couper le robinet d’eau tiède. Dans le respect des principes constitutionnels, républicains, et avec l’humanité qui convient.

Vous préconisez de priver les clandestins de quasiment tout droit aux prestations sociales…

E.C. La France n’est pas un ­eldorado. Ceux qui sont ­arrivés illégalement doivent savoir qu’ils ne seront pas bien accueillis et qu’ils n’auront aucun droit. Aujourd’hui, on adresse le message inverse. C’est pour cela que le délit de séjour illégal doit être rétabli.

Selon Élisabeth Borne, c’est à cause des divisions au sein de LR qu’il n’y a pas de texte sur l’immigration…

Ensemble. Nous le fournissons, ce texte !
B.R. Cette initiative est aussi une réponse à la Première ministre. La division n’est pas chez nous.

Le gouvernement veut permettre la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension. Est-ce négociable ?

E.C. Ce n’est pas négociable.
B.R. Cela ne l’a jamais été. Aucun texte qui comporterait de nouvelles pompes aspirantes comme cette régularisation massive ne sera voté au Sénat.

Des chefs d’entreprise disent avoir besoin de cette main-d’œuvre…

O.M. Créer un nouveau titre de séjour pour cela, c’est vouloir ouvrir les portes en grand. Le président du Medef m’a dit clairement : « Ne laissez pas dire que ce sont les employeurs qui sont demandeurs d’un assouplissement de la politique migratoire. » Je rappelle qu’il y a toujours 3 millions de chômeurs en France.
E.C. Ces pseudo-solutions de facilité créeraient un appel d’air insupportable. Si ceux qui veulent venir en France ont la certitude qu’une fois le pied posé sur notre territoire leur régularisation ne sera plus qu’une question de temps, tout le monde viendra.

Après s’être déchirés sur les retraites, les LR seront-ils unis ?

E.C. On ne peut pas être plus unis. Mardi soir, le bureau politique a approuvé à l’unanimité le principe du dépôt de ces textes, également validé par nos groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat.
O.M. La division est chez les ­macronistes. Leur aile gauche a peur d’un texte trop à droite. Nous, nous avons toujours été unis sur ces sujets.

Aurélien Pradié a des propositions différentes et suggère l’organisation d’un RIP…

B.R. Un peu de sérieux : la formule du RIP ne permet pas de référendum sur l’immigration, contrairement à ce que nous proposons.
E.C. Un RIP n’est pas possible aujourd’hui sur ce sujet. Tous les juristes s’accordent à le dire. Mais nous avons tous les mêmes objectifs. Comme nous, M. Pradié souhaite restreindre les flux ­migratoires.

Quelle sera votre attitude en cas de voix discordante au sein de LR ?

E.C. Il n’y aura pas de voix ­discordante.

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