Olivier Marleix : « Réviser la Constitution est le seul moyen de légiférer vraiment sur l’immigration »

6 décembre 2023

Dans le cadre de leur niche parlementaire, ce jeudi, Les Républicains présenteront une proposition de loi constitutionnelle visant à autoriser un référendum sur l’immigration. Le président du groupe explique pourquoi, selon lui, seule une telle mesure permettrait de reprendre le contrôle de la politique migratoire.

« Gouverner, c’est décider. Décider, c’est choisir. Non seulement on ne gouverne pas avec des “mais”, mais j’irai plus loin, gouverner c’est l’art d’éliminer les “mais”. » Ainsi parlait Georges Pompidou, alors chef d’un gouvernement qui depuis dix ans remettait vraiment la France en marche ! À l’inverse, l’histoire regorge d’exemples de ces régimes finissants incapables de décider et d’agir face au péril qui les condamne.

À l’heure où le Parlement examine sa trentième loi sur l’immigration depuis 1980, actant par là même l’insuffisance de cette litanie de textes inopérants, sommes-nous en train de prendre une décision qui changera le cours de notre histoire ou de tenter une énième fois de faire croire au pays et à nous-même que nous sommes à la manœuvre ?

En France et ailleurs, un curieux attelage d’incorrigibles mondialistes et d’humanistes de plateaux télé n’a cessé de minorer, si ce n’est de louer, les effets d’une immigration incontrôlée, certains par intérêt, d’autres par naïveté, tous flanqués des mêmes œillères. Dans le même temps, les résignés de l’action publique laissaient s’installer l’idée que l’immigration constituait un phénomène inéluctable. Comme Lionel Jospin à Vilvorde, nous devrions acter que « l’État ne peut pas tout ». Une étape de plus dans l’étrange défaite française, dans la longue série de nos renoncements.

Rappelons quelques chiffres utiles.

L’immigration est passée de 4,3 millions en 1999 à, brusquement, 7 millions en 2021, soit 10,3% de notre population. Les nouveaux Pangloss nous répondent : « Et alors ? » Et si l’immigration se définissait non plus comme « né à l’étranger », mais en remontant à la génération des parents, nous serions à 21%, à celle des grands-parents, à 28% : 19 millions de personnes. Voilà la tendance de long terme. Depuis dix ans, elle s’accélère. En 2012, lorsque la droite quitte le pouvoir, il y a 2,5millions d’étrangers autorisés à séjourner en France, et en 2022, c’est 5 millions. 500 000 nouveaux accueillis en 2022, c’est une ville comme Toulouse. Le phénomène est européen. Et quand plusieurs pays réagissent en réduisant l’intérêt qu’il y a à venir chez eux, ils rendent la France plus attractive. Quant à la suite ? Dans les trente ans qui viennent, le continent africain passera de 1,4 à 2,4 milliards d’habitants : nous ne sommes qu’au début de l’histoire !

Quel est le problème ? Ce n’est pas l’étranger, c’est la France ! Préserver sa cohésion nationale, continuer à vivre selon nos principes : la liberté, l’égalité, la fraternité. Cela suppose un préalable : croire en la nation française. Si l’on se demande « à quoi intégrer ? », comme le fait un haut fonctionnaire dans un éminent rapport, considérant la nation comme un « on ne sait quoi », on a peu de chances d’y arriver. Des définitions de la nation, il en existe pourtant qui ne sont pas tout à fait périmées. « Le plébiscite
de tous les jours » s’éloigne sans doute, mais « l’envie de faire de grandes choses ensemble » demeure encore, j’en suis certain, pourvu qu’existent les conditions de possibilité d’un « ensemble ».

Dans les lieux d’accueil pour migrants, on entasse les vies comme autant de fardeaux dont on ne sait que faire, dans la rue, on détourne le regard des squats indignes. À en croire nos services sociaux, nos policiers, nos enseignants, l’assimilation ne fonctionne plus, parce qu’elle est devenue impossible.

Autre réalité douloureuse : dans le chaos de l’immigration incontrôlée, l’État n’est plus capable d’identifier les menaces ; combien d’attentats commis par des individus qui n’auraient jamais dû être sur notre territoire, ou immédiatement exfiltrés, et qui ont profité de la faillite de notre système ? Les Français ne le supportent plus.

Sur le plan économique, la situation n’est pas plus enviable : le taux de chômage des immigrés est le double de la moyenne nationale. Il est également supérieur pour leurs enfants, inacceptable reproduction de l’échec de l’intégration. L’urgence n’est-elle pas, plutôt que de régulariser à tout prix les clandestins au risque de créer un nouvel appel d’air, de se donner les moyens de former et d’orienter vers l’emploi le demi-million d’étrangers en situation régulière au chômage ?

La rupture radicale qu’attendent les Français ne viendra pas d’une « loi la plus ferme » de plus. Revêtir ce texte d’une importance qu’il n’a pas, c’est, tous mots pesés, s’offrir un peu de publicité au prix de la sincérité que devraient avoir les commentateurs.

Oui, pour donner à l’État-nation les moyens de reprendre le contrôle, une révision constitutionnelle est nécessaire. La raison est simple : la France est devenue ce pays de cocagne juridique où le Parlement vote des lois que le juge peut ignorer dès le lendemain, au nom de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En matière de droit des étrangers, les volontés politiques s’anéantissent bien souvent à la porte du tribunal. Quand M. Darmanin affirme qu’il pourra expulser quelque 4 000 étrangers délinquants protégés par le principe de respect de leur droit à vie familiale, il feint d’ignorer que le juge, à la place du législateur, réintroduira ce principe au nom
de la supériorité des traités.

Réviser la Constitution est donc le seul moyen pour s’assurer que le juge applique strictement la législation votée par les représentants du peuple. Depuis 2016, tous les candidats de droite à l’élection présidentielle ont répété cet engagement. En élevant la réflexion au niveau constitutionnel, Les Républicains s’attachent à donner aux Français
le niveau de débat qu’ils méritent.

En ce moment politique décisif, me reviennent les mots d’un vieux compagnon de la France, dont il se faisait une haute conception : « Rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de sa souveraineté par laquelle elle exprime sa liberté ». Philippe Séguin, soucieux de notre avenir commun, ne cachait pas son angoisse. Pour la conjurer, il nous faut accepter d’être de nouveau acteurs de notre histoire, nationale et européenne.

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