« LR doit tout faire pour être présent en 2027 et gagner, dans la foulée, une majorité absolue »
L’ex-premier ministre dévoile la feuille de route du Conseil national des Républicains, qui se réunit samedi à Paris. Avec Bruno Retailleau, il entend mettre la droite en ordre de marche pour les prochaines batailles électorales.
Bruno Retailleau vous a confié la présidence du Conseil national des Républicains qui se réunit samedi à Paris pour la première fois depuis juin 2023. Quel est votre cahier des charges et comment comptez-vous assumer cette mission ?
Le Conseil national, qui est un peu le parlement des Républicains, représente près de 600 personnes. On y retrouve tous nos parlementaires, présidents de fédérations, élus et militants de l’Hexagone, des Outre-mer et des Français de l’étranger. Ce parlement doit vivre au rythme d’un mouvement politique qui se met en ordre de marche pour tenir sa place dans le redressement du pays, au premier rang. La volonté de Bruno Retailleau, que je partage, est d’en faire aussi un outil de consultation démocratique des militants et responsables LR. Mon premier objectif et notre feuille de route sont aussi d’amplifier la confiance qui revient vers nous depuis septembre 2024, celle des nombreux élus et citoyens qui nous avaient quittés.
Quels seront les temps forts de cette réunion organisée à la Maison de la Mutualité ?
Ce rassemblement se déroulera en deux temps : près de 800 cadres du mouvement se retrouveront le matin pour échanger, notamment sur la préparation des élections municipales, puis une réunion sera plus ouverte aux militants l’après-midi. Dans cette période de renouveau, il y aura beaucoup des décisions statutaires à prendre. Au moment de la trahison d’Éric Ciotti, nous avions vu que nos statuts n’étaient pas adaptés. Plusieurs changements sont nécessaires. Nous allons également renouveler notre bureau politique et notre commission nationale d’investitures. Nous écouterons également le discours de Manfred Weber, l’actif président du Parti populaire européen (PPE), mouvement clef au sein du parlement européen qui compte treize premiers ministres et le plus grand nombre de commissaires européens.
Le renouvellement des instances LR peut-il apaiser les inquiétudes exprimées en coulisses quand Bruno Retailleau a fait le choix de placer des fidèles au sommet du parti ?
Bruno Retailleau n’est pas dans l’état d’esprit de se barricader, au contraire. Naturellement, dans la direction du parti, il y a des hommes et des femmes dont il est proche et qui lui ont fait confiance, comme moi. Cela est normal. Mais il a beaucoup discuté de cette question avec Laurent Wauquiez et pour celles et ceux qui ont soutenu le député de la Haute-Loire, leur représentation dans les instances et les vice-présidences sera proportionnelle au score enregistré le 18 mai, à hauteur de 25%. C’est bien ainsi. J’ajoute que le Conseil national sera un lieu de dialogue et proposera une plateforme de participation et de consultations dédiée à ses membres.
Ce n’est pas la première fois que les Républicains annoncent un nouveau départ. Qu’est-ce qui change aujourd’hui pour la droite ?
Le renouveau est très clairement lié au choix que nous avons fait tous ensemble de participer au gouvernement. Notre groupe a joué un rôle très actif à l’Assemblée et, pour la première fois depuis douze ans, le Sénat a soutenu lui aussi le gouvernement, sous l’autorité de Gérard Larcher. Ce qui change, c’est que pour la première fois depuis douze ans nous démontrons notre vocation à gouverner et à bien gouverner, dans un esprit de responsabilité. Maintenant, ce renouveau est toujours fragile mais nous en sommes tous dépositaires et comptables. Cela implique des débats mais pas de polémiques, l’unité sans uniformité… Il s’agit désormais de tout faire pour être présent dans l’élection présidentielle en 2027 et gagner, dans la foulée, une majorité absolue à l’Assemblée, avec nos partenaires.
Les Républicains parlent d’unité et de rassemblement mais les divergences stratégiques entre Bruno Retailleau, président des LR et Laurent Wauquiez, président du groupe Droite Républicaine, ne constituent-elles une menace pour la droite ?
Je ne crois pas qu’il y ait des divergences. Il est normal qu’il y ait des débats et des sensibilités différentes. Je constate qu’il n’y a pas eu de guerre des chefs durant l’élection interne. Bruno Retailleau veut faire un parti profondément démocratique et digital. Les militants seront consultés régulièrement. La députée Virginie Duby-Muller (Haute-Savoie) et Constance Nebbula (Pays-de-la Loire) sont chargées de développer de nouveaux outils. Notre congrès sera saisi de nouveaux statuts à la rentrée, auxquels travaillent Daniel Fasquelle et Guillaume Larrivé. Il existe donc une volonté claire de faire vivre le débat et de trouver des points d’accords.
Mais quid des désaccords sur la stratégie entre les partisans d’une participation au gouvernement et ceux qui prônent l’autonomie ?
Ce débat a été tranché par les militants d’une manière extrêmement claire au moment du scrutin interne. Ils ont approuvé la prise de responsabilités du parti LR.
Quelles sont les limites acceptables selon vous pour un maintien de Bruno Retailleau au sein du gouvernement ?
Le choix de participer au gouvernement était un choix collectif, confirmé par un vote clair. Ce choix implique une participation responsable et loyale, les yeux ouverts. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, est accompagné par huit autres ministres et tous mènent une action courageuse dans les domaines majeurs que sont l’agriculture, les PME, les transports ou la santé… Ce choix de participer n’est pas artificiel, ni improvisé. Il sera maintenu aussi longtemps que nos ministres auront les moyens politiques et financiers de travailler. Bruno Retailleau est dans une responsabilité grave, celle notamment de la sécurité publique au quotidien et de la maîtrise de l’immigration clandestine. C’est pour cela qu’il a besoin de soutien, de confiance et de moyens. Chaque fois que j’échange avec lui, je le trouve très déterminé et très lucide.
Comment observez-vous la promesse d’une motion de censure socialiste visant votre successeur à Matignon ?
Le Parti socialiste a adopté une attitude irresponsable. Il n’était pas à la hauteur en votant la censure en décembre, avec le RN et l’extrême gauche. À ce titre, mon gouvernement a clairement essuyé les plâtres et j’ai occupé cette place difficile où se trouve François Bayrou aujourd’hui. Sachant les contraintes mais aussi le prix de l’instabilité pour la France, je souhaite que les partis politiques soient plus responsables qu’ils ne l’ont été.
Y croyez-vous ?
Les Français le leur demandent ! Mais je sais aussi que la tentation de ces partis est aussi celle du vote opportuniste et idéologique. Voilà pourquoi, le plus tôt possible, il faudra retrouver un fonctionnement normal des institutions, avec un nouveau président de la République en 2027, soutenu par une majorité absolue. Mais si ce gouvernement venait à tomber, il faudra en revenir au peuple et je pense que le président de la République devra dissoudre à nouveau l’Assemblée nationale.
Quel conseil donneriez-vous au premier ministre ?
Je me garderais bien mais d’en donner mais le temps est celui du courage politique. Cela exige de se consacrer aux vrais sujets, comme la dette du pays et les réformes. Il ne faut pas hésiter à écarter les sujets qui divisent, y compris ceux qui fracturent le socle commun ou ce qu’il en reste. Je pense à la proportionnelle.
L’espoir LR d’une vague bleue aux municipales de mars 2026 vous semble-t-il réaliste ou trop ambitieux ?
Nous avons l’ambition non seulement de garder la confiance des électeurs là où nos élus LR sont en responsabilité de communes mais aussi de gagner des villes importantes, conquises par la gauche et les écologistes mais mal gérées depuis cinq ans. On sait bien que ces combats passent par des accords locaux. Donc, oui a des partenariats spontanés. Ces municipales seront d’ailleurs un test pour l’esprit commun dont nous aurons besoin en 2027. Mais je ne crois pas aux instructions données depuis Paris. Il faut faire confiance aux élus. Nos maires savent bien ce qu’ils ont à faire.
Le Conseil national aura-t-il la charge d’organiser le départage des candidatures LR en vue de la présidentielle ?
Je trouverais normal que, dans le cadre de ce renouveau du parti et conformément au souci démocratique exprimé par Bruno Retailleau, tous les militants soient invités à se prononcer par un vote le moment venu pour savoir quel candidat notre famille politique soutiendra en 2027. Mais chaque chose en son temps. Et pas avant les municipales.
L’irruption de Dominique de Villepin et de son parti la France Humaniste dans l’équation présidentielle peut-elle inquiéter les LR ?
Je lis attentivement les déclarations de Dominique de Villepin. Je les trouve contradictoires parfois au fil du temps et souvent hors sol. Et je ne crois pas qu’il appartienne à la droite aujourd’hui. On aurait même des difficultés à voir des différences entre ce qu’il dit et ce que dit M. Mélenchon.
Allez-vous continuer de suivre les dossiers internationaux pour Les Républicains ?
Oui. Bruno Retailleau le souhaite. Je vais continuer à suivre ces questions, les relations avec nos partis partenaires et les actualités européennes avec François-Xavier Bellamy.
Comment observez-vous la situation globale actuelle et le rôle d’Emmanuel Macron sur la scène internationale ?
Le président de la République est dans un rôle défini par la Constitution et je n’ai pas de commentaires à faire. Mais la situation, très grave partout dans notre pays et autour, exige des positions claires et solidaires. Pour Les Républicains, la clarté consiste à réaffirmer un point : la sécurité et l’intégrité de l’État d’Israël ne sont pas négociables. Évidemment, cela inclut l’exigence qui s’est imposée d’empêcher l’Iran de disposer de l’arme nucléaire, un pays qui a comme ligne de vouloir détruire Israël. S’agissant de cette région en guerre, nous savons que la solution ne passe pas par les armes. Tous les otages israéliens doivent être libérés, le Hamas doit être éradiqué et une conférence internationale doit permettre de tracer une perspective vers la création d’un État palestinien. Une garantie de protection et de sécurité doit aussi être apportée par les pays de cette région comme par les États-Unis, l’Union européenne et le Conseil de sécurité de l’ONU. Dans ce monde-là, les pays européens doivent parler d’une seule voix et décider enfin d’être un acteur global, doté d’une politique de défense et pas seulement un supermarché. Pour retrouver de l’influence sur la scène internationale, cet engagement européen sera un enjeu majeur du prochain quinquennat.
En attendant, on peine à percevoir une ligne commune en Europe face aux crises mondiales…
Pour le bon fonctionnement de l’Union européenne, qui n’est pas un État fédéral et qui ne veut pas l’être, nous pensons chez Les Républicains que nous avons besoin des Nations pour combattre le nationalisme. L’Europe doit respecter les Nations et les faire travailler ensemble. Au cours des quinze dernières années, nous avons réussi à préserver une certaine unité : crise financière, Brexit, Covid, Ukraine… Cela n’est jamais facile mais c’est la seule voie pour que nous ne devenions pas tous des sous-traitants sous influence des Chinois et des Américains. La France doit être souveraine et l’Europe doit être indépendante.
Que pensez-vous de l’action du président américain Donald Trump ?
Tout le monde sait qu’il n’y a pas de règlement possible des conflits au Proche-Orient sans les États-Unis. Le président Trump a souvent des déclarations erratiques mais nous avons besoin des États-Unis pour permettre un accord et faire en sorte que celui-ci soit durable.
Pour accompagner la sortie de votre livre (Ce que j’ai appris de vous, chez Calmann-Lévy) vous effectuez un tour de France de conférences-dédicaces. Comment sentez-vous le pays et les Français ?
La situation est paradoxale. Il y a une grande inquiétude et une réelle lassitude devant les incertitudes du pouvoir mais chaque jour, comme cette semaine à Chambéry, Mulhouse ou Colmar, je perçois aussi un espoir. Il y a des énergies positives et des initiatives partout, des gens courageux, des Français qui se lèvent tôt. Tous attendent que les partis politiques soient enfin à la hauteur.
Si vous aviez un seul regret ou une seule faute à reconnaître concernant votre trimestre passé à Matignon, lequel seriez-vous prêt à reconnaître ?
Je ne sais pas si c’est un regret ou une faute mais en acceptant d’être premier ministre en septembre dernier, j’ai clairement surestimé la capacité à s’entendre des partis politiques à l’Assemblée nationale. Mon espoir était qu’ils soient capables de relever la ligne d’horizon, prêts à laisser de côté les calculs opportunistes. Malheureusement, le PS et le RN ont plutôt pensé à la prochaine élection qu’à la prochaine génération. Les uns comme les autres n’ont pas voté la censure à cause du budget mais pour bien d’autres raisons.
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