Éric Ciotti : « LR n’est pas une caserne, j’entends que notre parti ne soit pas non plus une foire permanente »

27 mars 2023

Le président des Républicains répond aux questions qui fâchent, trace les perspectives de LR et annonce le mois de juin comme celui d’un « nouveau départ » avec le lancement de plusieurs outils pour relancer la droite.

Quel regard portez-vous sur les violents affrontements à Sainte-Soline ?

Les images auxquelles nous assistons sont insupportables par leur violence. Nous sommes clairement dans des actions de terrorisme d’extrême gauche. Il y a quelques centaines d’activistes qui veulent tuer du flic à chaque manifestation et détruire nos institutions. Il est temps que ce combat devienne une priorité nationale à l’égal du combat contre le terrorisme islamiste.

La France s’apprête à vivre une dixième journée de manifestations mardi. Comment analysez-vous cette crise ?

Toute revendication sociale doit être entendue. Mais ce qui se passe dans la rue est inacceptable. La violence doit être combattue. Il faut bien mesurer que cette violence, qu’elle soit verbale comme à l’Assemblée ou physique dans la rue, est devenue un moteur pour certains. Quand je vois que certains veulent ériger une guillotine devant l’Assemblée, que les élus sont menacés de mort, que les permanences sont saccagées, je dis que les auteurs de ces actes doivent être traqués sans relâche. Le gouvernement ne doit pas trembler et surtout, nous devons apporter un soutien total à nos forces de l’ordre.

Il n’est pas facile d’être président des Républicains… Ne regrettez-vous rien ?

Je savais que la tâche serait particulièrement difficile. Pour certains, c’était une mission impossible. Pour moi, c’était un devoir obligatoire. Je veux tout donner pour redresser une famille qui a écrit les plus belles heures de l’histoire politique contemporaine. Et surtout, j’en suis certain, Les Républicains constituent la seule et dernière alternative face au choc terrifiant entre M. Mélenchon et Mme Le Pen qui se profile au second tour de la présidentielle 2027.

Quelle leçon principale retenez-vous de vos trois premiers mois de présidence ?

Notre famille est un peu à l’image de notre pays, soumise au poison de la division et aux épreuves. Nous devons revenir à notre socle de valeurs fondamentales. Ce qui m’inquiète, ce n’est pas la situation de notre parti mais le déclin de la France.

Pourquoi, après une séquence retraites désastreuse pour LR, n’avez-vous pas décidé de régler immédiatement ce problème du « poison de la division » qui menace la survie du parti ?

Sur les retraites, je note que Les Républicains ont exprimé, à la quasi-unanimité du bureau politique, un soutien à la réforme. Ce moment a été difficile pour notre famille politique, je le reconnais bien volontiers. Le devoir de cohérence s’est trouvé contrarié par la volonté de certains de nos parlementaires et aussi de nos militants, d’exprimer d’abord leur opposition à Emmanuel Macron. Je peux comprendre ce sentiment. Je comprends moins la volonté des autres d’utiliser ce débat difficile pour tenter une échappée personnelle au détriment de l’unité. J’en ai tiré les conséquences en retirant à Aurélien Pradié ses fonctions de vice-président. Le parti n’est pas une caserne, j’entends qu’il ne soit pas non plus une foire permanente.

Certains réclamaient l’exclusion d’Aurélien Pradié…

Je ne pense pas que l’exclusion apporte une réponse adaptée aux difficultés du moment.

Comment rassurer élus et militants sur le fait que ces divisions ne se reproduiront pas sur d’autres réformes ?

Je suis persuadé que le travail de reconstruction que nous engageons recréera de la cohésion. Ce n’est pas une option, c’est une obligation. J’appelle chacun à la responsabilité. On ne construit pas un destin personnel sur une entreprise de démolition.

Votre parti se retrouve partagé entre deux visions : ceux qui souhaitent un accord de gouvernement avec Macron et ceux qui s’y refusent. Comment allez-vous trancher ?

Par l’indépendance et la quête permanente de l’intérêt général. Mon engagement est guidé par l’intérêt du pays. Nous avons été élus dans une opposition à Emmanuel Macron, sur le respect d’une droite forte et cohérente. C’est ce qui continuera de me guider.

Emmanuel Macron a indiqué vouloir « élargir sa majorité ». Des élus LR pourraient-ils l’intégrer ? Alexandre Vincendet lance un appel à négocier…

Cette question ne se pose pas. Je ne vois pas ce qui changerait cette équation aujourd’hui. Tout débauchage individuel contribuera à une radicalisation des positions.

Quand un courant minoritaire parvient à occulter la ligne majoritaire, quel est le chemin pour sortir d’une telle impasse ?

L’histoire montre que jamais ceux qui ont divisé leur camp n’ont eu de destin. La meilleure réponse, ce sont la constance et le sang-froid.

Pour certains, Laurent Wauquiez aurait joué « double jeu » puisqu’une partie de ses soutiens a voté la motion de censure.

Je suis lié à Laurent Wauquiez par une confiance totale. Il a son calendrier, je le respecte. Pour échanger avec lui en permanence, je sais qu’il n’y a aucune ambiguïté sur sa position, ni aucun double jeu. Le temps viendra, et j’insiste, le temps doit venir, où Laurent exposera son projet à la présidentielle.

Vous aviez annoncé vouloir régler la question de la désignation du candidat à la présidentielle dès le début de l’année. Quel est le calendrier ?

Je ne suis pas homme à changer de convictions en quelques semaines. J’ai demandé à Guillaume Larrivé de travailler à une réforme de nos statuts. J’engagerai ensuite une concertation pour soumettre un texte au vote des militants.

Dans la foulée du dernier conseil stratégique, vous avez déjeuné avec Nicolas Sarkozy. Que vous a-t-il dit ?

Dans ce moment quelque peu agité, j’ai souhaité consulter tous ceux qui par leur expérience ou leurs convictions expriment une voix forte pour notre famille politique.

Vous aviez pourtant affirmé qu’il était « sage » que Nicolas Sarkozy ne « se mêle plus » de politique…

Ce que j’avais dit, c’est que Nicolas Sarkozy n’est plus un acteur engagé dans la vie politique mais je ne peux oublier qu’il fut le dernier à nous conduire à la victoire.

Comment LR peut-il rebondir ?

Nous devons dresser un constat lucide du déclin de notre pays. Tous les paramètres sont au rouge, sur le plan économique, politique, social, sécuritaire et identitaire. Je crois à l’impuissance du « en même temps ». Le succès d’une démarche politique repose sur trois piliers, stratégie, idéologie, incarnation.

Comment comptez-vous vous y prendre pour atteindre ces objectifs ?

Nous lancerons le 4 juin les états généraux de la droite. Nous allons échanger dans toute la France et organiser une grande consultation nationale sur ce que nous voulons pour notre pays. En collaboration avec les grandes fondations, nous voulons lancer la révolution des idées. Nous devons apporter de nouvelles réponses aux défis du monde. Mi-avril, nous lancerons le média des Républicains, Une certaine idée, reprenant le titre de la revue qu’avait créé Jean de Boishue pour Philippe Séguin, ainsi qu’une académie de formation pour détecter de nouveaux talents et apporter des outils à nos militants.

Vous aviez annoncé un « shadow cabinet ». Où en est-il ?

Dans quelques jours, je désignerai une vingtaine de personnalités fortes pour incarner un contre-gouvernement chargé de suivre un département ministériel, de façon critique et programmatique.

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