Bruno Retailleau, président du groupe les Républicains au Sénat, dénonce le « discours apocalyptique et catastrophique » sur l’écologie.
Vous ne vous êtes plus exprimé depuis votre retrait de la campagne présidentielle. Quel regard portez-vous sur la droite aujourd’hui ?
Je n’ai jamais caché que pour moi, le calendrier était trop long et que je souhaitais un système de départage qui soit une vraie primaire ouverte pour donner une large légitimité et plus d’élan à notre candidat. Je n’ai pas changé de conviction mais je suis loyal à ma famille politique. Les militants ont choisi un congrès et à l’issue, nous aurons un seul candidat. C’était la première condition pour envisager la victoire. Mais il y a une autre condition, essentielle pour convaincre les Français : il faut une vision. Les Français aujourd’hui sont en mode survie, parce qu’ils se sentent doublement dépossédés, de leur niveau de vie et de leur mode de vie. Ils voient leur pouvoir d’achat s’éroder à mesure que les factures augmentent et leur identité s’effacer sous les coups de boutoir de l’islamisme et du gauchisme culturel. La grande question de la présidentielle, c’est donc la question de la dépossession, matérielle et culturelle. Il faut rendre aux Français ce qu’il leur a été enlevé : un État digne de ce nom, qui protège plus et prélève moins, et la nation, c’est-à-dire une souveraineté et une identité nationale. L’État et la nation, c’est ce qui nous a fondés, ce sont les deux piliers de la civilisation française. Cette politique de civilisation passe non par des mesurettes mais par des décisions puissantes sur le travail, la justice, l’immigration et l’école.
Savez-vous pour qui vous voterez au congrès ?
Non, j’avoue que je ne le sais pas encore pour le moment.
Vous publiez un livre sur « l’écologie du réel » (Aurons-nous encore de la lumière en hiver, Éditions de L’Observatoire). Pourquoi ce thème ?
Je pense que la droite s’est laissé déposséder de ce thème. Pourtant, il renvoie à ses exigences sur la transmission, la permanence et donc la question des limites. L’écologie a été historiquement portée par notre famille politique, du premier ministère de l’Écologie sous Georges Pompidou au « Grenelle de l’environnement » sous Nicolas Sarkozy, de la création de l’ONF à la première loi de protection de la nature. On ne peut plus laisser les questions environnementales aux adeptes d’une écologie dogmatique. L’écologie est devenue en France le prête-nom de tous les délires gauchistes. Quand les dingues de l’écologisme veulent interdire le sapin de Noël, le Tour de France, dégenrer les cours d’école, ou quand Mme Rousseau rêve d’hommes déconstruits, ils ne font pas de l’écologie, mais de l’idéologie. C’est une nouvelle religion. L’écologisme est aussi devenu une idéologie de classe. Pour les 20 % de Français les plus modestes, les dépenses d’énergie représentent 15% des revenus. Pour les 20 % de Français les plus riches, c’est 6 %. On n’a pas le droit de faire payer aux plus pauvres la transition énergétique. On ne convaincra pas les Français avec ce gauchisme culturel et en leur donnant, comme perspective, l’appauvrissement et la décroissance. Il n’y a pas de décroissance heureuse.
Vous voulez porter un discours optimiste et non culpabilisant ?
Il faut sortir de ce discours apocalyptique et catastrophique. C’est la meilleure façon, sinon, de culpabiliser les Français. Or, quand on se sent coupable, on n’a pas la force de rebondir. Je veux au contraire promouvoir une écologie du réel, une écologie qui apporte des solutions, une écologie humaine qui tient compte des données et du savoir des scientifiques, des chercheurs mais aussi des réalités du terrain. La France peut devenir une puissance verte. Sortir des énergies fossiles, c’est reconquérir notre souveraineté mais avec un bénéfice économique, sanitaire et environnemental.
Pour vous, l’écologie est l’expression d’un projet de société. Mais lequel ?
Oui, c’est un projet de société car l’écologie touche tous les domaines. Il faut donc avoir une vision globale de l’écologie, mais dont le fil rouge doit être l’humain. Ce que je reproche aux écologistes, c’est de faire de l’homme une espèce parmi d’autres. Or, écologiser, c’est d’abord protéger le vivant et la vie, c’est la charge qu’il nous revient d’assumer. Car c’est à la seule espèce humaine que la nature a donné la faculté d’être la gardienne vigilante de l’ensemble des autres espèces animales et végétales, et c’est pourquoi la montée de l’animalisme porte les germes d’un antihumanisme. Donner l’impression qu’on pourrait sauver la planète sans sauver les hommes est une idée dangereuse.
Quels sont les principaux défis à mettre en œuvre pour y parvenir ?
J’essaie de sortir d’un double discours, celui des écologistes comme celui des climatosceptiques. Les défis sont nombreux. Mais on ne peut pas partir dans tous les sens. On ne réussira pas la transition écologique à partir de slogans ou de mesures punitives mais en concentrant nos efforts sur un objectif : la décarbonation de notre économie pour lutter contre le réchauffement climatique. Pour y arriver, il faut des mesures puissantes. Quatre sont essentielles à mes yeux. D’abord, je veux faire basculer les aides publiques actuelles sur les renouvelables électriques comme l’éolien, dont le prix s’est abaissé, vers le renouvelable thermique. C’est pourquoi je propose, sur dix ans, un grand plan national d’installation de pompes à chaleur pour les ménages français. Deuxième proposition : je souhaite qu’on relance un programme ambitieux de recherche et de renouveau de notre parc nucléaire. Abandonner le nucléaire est une erreur grave, une décision idéologique. On l’a vu en Allemagne. Aujourd’hui, il faut prolonger la durée de vie des centrales dès lors que la sécurité n’est pas en cause. Troisième proposition : la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Ce ne sont pas aux Français de payer mais aux Chinois et aux Américains. Sinon notre compétitivité se dégradera. Il faut taxer les produits des pays qui ne jouent pas le jeu car ils n’ont pas les mêmes exigences environnementales que nous. Enfin, la quatrième proposition, c’est une nouvelle politique d’aménagement du territoire. La France a fait le choix de l’hypermétropolisation, d’un modèle économique de découplage entre le lieu de la production et celui de la consommation. Cela crée des pollutions, des nouvelles solitudes, des fractures et une fatigue démocratique. L’écologie, c’est la science du lieu. On doit penser la place de l’homme pas seulement dans la nature, mais dans son milieu.
La question des déchets est avancée par les écologistes pour dénoncer l’utilisation du nucléaire. Vous n’y croyez pas ?
C’est un faux débat. Aujourd’hui, les déchets nucléaires dangereux, c’est à peu près 200 tonnes. Cela tient dans une salle de sport. C’est un risque, mais que nous savons gérer. J’accuse le président de la République d’avoir une politique de Gribouille. On ne peut pas d’un côté fermer Fessenheim et de l’autre faire l’éloge de la filière en promettant des miniréacteurs, tout en interrompant des programmes de recherche essentiels. Cela n’a pas de sens. En matière écologique, Emmanuel Macron, c’est Tartuffe.