Le développement du parc éolien « quoi qu’il en coûte » est une aberration, estiment, dans une tribune au « Monde », l’ancien maire de Bordeaux, Nicolas Florian, le député de l’Indre, Nicolas Forissier, et le maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret, tous trois candidats Les Républicains aux élections régionales.
Le développement du parc éolien « quoi qu’il en coûte », tel que nous l’observons actuellement, est une aberration pour quiconque est attaché à la préservation de l’identité de nos territoires et à la lutte contre le changement climatique.
C’est une aberration économique, tout d’abord, car l’éolien se développe dans notre pays sous l’effet d’une perfusion massive de financements publics. Le coût brut de l’énergie éolienne est supérieur de deux à trois fois au coût moyen de l’énergie en France ; s’il prospère en dépit de ces coûts prohibitifs et du bon sens, c’est uniquement parce que le prix d’achat de l’électricité éolienne est administrativement majoré. A la fin de ce mois [avril 2021], EDF aura déjà surpayé l’énergie éolienne d’environ 1 milliard d’euros, en l’achetant à un tarif largement supérieur aux prix du marché. Une véritable gabegie dont les contribuables français sont les victimes – mais aussi, malgré eux, les sponsors.
C’est une aberration démocratique, lorsque l’on constate à quel point l’avis des citoyens concernés par de tels projets industriels est de plus en plus ignoré, à mesure que les parcs éoliens terrestres s’étoffent. Le prétexte du Covid-19, qui rend plus difficile les consultations locales, n’est que la plus récente manifestation du mépris généralisé qui caractérise les représentants de cette industrie envers les Françaises et les Français, lesquels devront ensuite cohabiter avec ces pylônes durant plusieurs décennies.
C’est une aberration pour notre souveraineté industrielle et pour nos emplois, car subventionner massivement l’éolien terrestre revient à financer, par de l’argent public français, des filières industrielles situées le plus souvent hors de France. En 2018, la Cour des comptes a estimé que, pour tout euro d’investissement dans de tels équipements, seuls vingt centimes correspondaient à du matériel produit en France. A une échelle certes moins tragique que le photovoltaïque − véritable chèque français à des industriels chinois peu soucieux d’environnement −, financer l’éolien revient à sponsoriser de grands acteurs industriels situés à l’étranger : Allemagne, Danemark, Chine – pays dont le niveau d’émissions de CO2 par habitant, rappelons-le, demeure à ce jour supérieur à celui de la France.
C’est, pour finir, une aberration environnementale, et c’est bien là toute l’ironie de l’affaire. Les progrès du parc éolien français n’ont en effet servi, jusqu’à présent, qu’à réduire le poids d’autres énergies décarbonées, à commencer par l’énergie nucléaire, dont la fermeture prématurée de la centrale de Fessenheim est une illustration par l’absurde.
Amputer le capital naturel
En France, les deux premiers secteurs « coupables » de nos émissions de gaz à effet de serre sont les transports et les gaspillages d’énergie dus à la mauvaise isolation des bâtiments. Plutôt que d’allouer des milliards d’argent public à remplacer une électricité décarbonée par une autre, ne serait-il pas plus judicieux de flécher les fonds publics vers ces améliorations d’équipements qui sont au cœur de nos vies quotidiennes ?
Plutôt que de consulter les Français sur le paysage qu’ils accepteront de sacrifier à un équipement industriel peu efficace, ne devrait-on pas leur proposer de choisir de bénéficier des financements équivalents pour changer leurs chaudières, pour acquérir des véhicules électriques, pour mieux isoler leurs maisons ? On peut prendre le pari qu’ils privilégieraient massivement la seconde option, avec un bilan pour l’environnement nettement plus positif.
L’électricité produite en France est décarbonée à plus de 90 %. Cet excellent résultat n’est pas un hasard de l’histoire ; c’est le fruit de plusieurs décennies d’une politique industrielle avisée, enrichie du savoir-faire et de l’expérience des milliers d’hommes et de femmes employés par la filière énergétique française. Cette compétence collective, ce capital industriel, est l’un des atouts incontestables de notre pays. Mais ce n’est pas le seul : ce qui fait la singularité et l’attractivité de la France, c’est aussi son patrimoine historique et naturel, ce sont ses paysages somptueux et diversifiés. Aujourd’hui, sous couvert d’objectifs déjà atteints – la décarbonation de l’électricité française –, on demande aux Français de sacrifier leur capital industriel, et on leur propose, pour y parvenir, d’amputer leur capital naturel et leurs paysages. C’est le modèle perdant-perdant !
Parce que cette politique sans vision ni impact n’est pertinente ni pour les intérêts de notre pays, ni pour le bien-être de nos concitoyens, ni même pour la poursuite de nos objectifs environnementaux, nous, candidats aux élections régionales, demandons un moratoire absolu et immédiat sur tout nouveau projet d’éolien terrestre dans nos régions.