Gérard Larcher : « On vit dans la République de l’Oracle »

1 avril 2021

Gérard Larcher, président du Sénat, réagit aux annonces d’Emmanuel Macron, et tacle sévèrement sa méthode de gouvernement solitaire. Il défend également la tenue des élections régionales en juin.

Le patron du Sénat, Gérard Larcher tacle la « verticalité » inédite du pouvoir sous le mandat d’Emmanuel Macron. Il appelle à « un changement de méthode ».

Emmanuel Macron a-t-il pris les bonnes décisions ce mercredi ?

La tension sur les services de réanimation devenait critique, il fallait que le président de la République agisse. La seule véritable annonce est la fermeture des écoles, collèges et lycées. Cette décision s’imposait elle était devenue inévitable du fait de la situation sanitaire, elle n’est pas sans conséquences pour les enfants et les jeunes. J’en prends acte, nous étions nombreux à le demander. Nous avons perdu du temps et j’espère qu’elle sera suffisante. Je prends acte également de la déclaration du président sur la création de lits de réanimation, il faut très vite nous indiquer la méthode car nous attendons depuis un an.

Le chef de l’Etat avait fait le pari de ne pas reconfiner. Etait-ce une erreur ?

Quand le Président prend sa décision en janvier, je ne la critique pas : elle est prise à la lumière d’un ensemble de facteurs, j’ai toujours dit que le reconfinement devait à tout prix être évité. Depuis un an, la France subit alors que cette crise exige de la réactivité. L’exécutif n’a jamais été en anticipation. On a l’impression d’un président seul. On vit dans la République de l’Oracle et dans la cacophonie des prises de paroles incessantes et contradictoires des membres du gouvernement. Je le dis solennellement, on ne peut pas continuer comme ça. Jamais on n’a atteint ce niveau de verticalité sous la Ve République. J’appelle à un changement de méthode.

Justement, Jean Castex convoque le Parlement ce jeudi pour un débat avec vote…

Nous avons toujours demandé que le Parlement débatte et soit associé à la prise de décision. Ce que l’on nous demande aujourd’hui, au-delà d’un débat toujours utile, c’est de voter sur des décisions déjà prises ! Le Parlement n’est pas une chambre d’enregistrement.

La vaccination patine. A qui la faute ?

Il n’y a pas d’autre solution pour s’en sortir : il faut des doses, des doses des doses. Là-dessus, la France et l’Europe sont en retard. Il y a une responsabilité de l’Union européenne (UE), trop lente, trop bureaucratique. Sur les marchés, les gens m’ont interpellé : l’UE a exporté 70 millions de vaccins, notamment au Royaume-Uni, au Canada et au Japon. C’est incompréhensible ! L’Europe doit être exigeante et ferme avec ceux qui ne sont pas dans l’Union.

Faut-il maintenir les élections régionales et départementales en juin ?

Il faut respecter le calendrier électoral. On ne peut pas refuser de confiner le pays et confiner la démocratie. Le conseil scientifique a rendu son rapport et constate que d’autres pays ont organisé leurs élections. Aux Pays-Bas, le taux de participation a même été incroyable, en Allemagne, au Portugal… ! Il indique que 30 millions de Français devraient être vaccinés en juin et qu’enfin, la situation en septembre ne nous donne aucune assurance. Alors, sachons nous adapter à la situation, comme nous avons su le faire depuis le début de cette pandémie. Le report des élections ne peut intervenir qu’en cas d’absolue nécessité. Le Sénat a fait des propositions.

Que préconisez-vous ?

Nous avions obtenu la double procuration. Mais ça ne suffit pas : il faut aussi une campagne télévisuelle massive, la distribution de tracts en plein air, une campagne digitale maximale et le vote à l’extérieur quand c’est possible.

Concernant la réforme constitutionnelle sur le climat, sur laquelle une majorité de députés LR se sont abstenus, quelle sera la position de la majorité sénatoriale ?

Nous l’examinerons de façon ouverte. Je suis tout de même un peu étonné de n’avoir eu à ce sujet encore aucun échange avec le président de la République, au point que je me demande s’il tient vraiment à ce texte ! Nous aurons évidemment un débat sur le besoin de donner à la question climatique et environnementale une prééminence sur les libertés fondamentales. La santé ou la liberté d’entreprendre ne peuvent pas être des droits seconds.

Xavier Bertrand a officialisé sa candidature à l’élection présidentielle. La droite tient-elle enfin son candidat ?

Xavier Bertrand est maître de son calendrier et de sa stratégie. C’est sa liberté, je n’ai pas de commentaires à faire. Je pose une équation simple : si la droite a deux candidats au premier tour, elle ne sera pas au second. Si un candidat s’affirme naturellement en septembre, je serai pleinement derrière elle ou lui. Si ce n’est pas le cas, il faudra alors en passer par une méthode de départage. C’est ce à quoi je continue de travailler avec un certain nombre de responsables politiques, notamment Christian Jacob. Je souhaite faire aboutir ce travail fin juin.

Xavier Bertrand a dit qu’il serait de toute façon candidat. Cette démarche n’est-elle pas vaine ?

C’est un homme politique responsable. Je suis certain qu’il souhaite contribuer à cette alternative. Il peut être cette alternative mais il y en a d’autres.

Edouard Philippe peut-il jouer un rôle dans ce scénario ?

Il a quitté notre famille politique. Mais on n’est pas Premier ministre pendant trois ans sans avoir une légitimité forte à dire des choses. Il a une expérience. J’apprécie la relation que j’ai avec lui… y compris dans nos désaccords.

>> Lire l’interview sur LeParisien.fr

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