François-Xavier Bellamy : « Le danger d’une présidence bavarde »

26 mars 2021

François-Xavier Bellamy, président de la délégation française du groupe PPE au Parlement européenne et député européen, ne souhaite pas que le calendrier électoral conduise l’exécutif à instrumentaliser la présidence de l’UE, en la réduisant à un exercice de communication.

Comment les eurodéputés LR du PPE appréhendent-ils l’installation d’Emmanuel Macron à la présidence de l’UE ?

Nous l’abordons sans esprit partisan, en espérant qu’elle puisse être utile au rayonnement de la France. J’ai eu l’occasion de participer à une première réunion de concertation organisée par Clément Beaune (secrétaire d’État chargé des Affaires européennes). Avant chaque présidence tournante, le pays concerné produit une feuille de route pour six mois. Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens.

Au-delà de la droite, comment le Parlement européen attend-il cette présidence ?

Nous avons un sujet de préoccupation majeur: il ne faut pas que le calendrier électoral conduise l’exécutif à instrumentaliser cette présidence en la réduisant à un exercice de communication. Le grand danger est une présidence aussi bavarde et ambitieuse dans les mots qu’elle sera isolée et inefficace dans les résultats. Fragilisée dans le débat européen, la France est confrontée à des sujets cruciaux et sa voix risque d’être marginalisée, car nous sommes en plein décrochage économique. Notre situation actuelle nous classe désormais parmi les pays du Sud, lourdement déficitaires sur le plan budgétaire et commercial. Nous ne sommes pas en mesure de donner des leçons. C’est pourquoi il est d’autant plus important que cette présidence française se concentre sur quelques priorités concrètes et essentielles, avec un souci de pédagogie et de résultats.

Pour certains macronistes, Emmanuel Macron peut récolter les fruits de son interventionnisme européen sur plusieurs sujets. Qu’en pensez-vous ?

Objectivement, le bilan européen d’Emmanuel Macron reste très éloigné de ses promesses. Sa facilité pour les discours est inversement proportionnelle à son efficacité dans l’action. Dans le paysage européen, l’essentiel est de convaincre, de se faire comprendre en faisant la pédagogie des positions que l’on défend. Le président français procède plutôt par déclarations fracassantes mais contre-productives. Par exemple, ses mots sur l’Otan «en état de mort cérébrale » ont profondément crispé. Cela a fait reculer la possibilité concrète d’une ambition commune en matière d’autonomie stratégique, et de résultats pour l’industrie de défense. Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie. On semble malheureusement se diriger vers une énumération de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès. Il serait tragique que cette présidence, qui ne revient que tous les treize ans, soit une occasion manquée.

Les Marcheurs veulent croire que cette présidence permettra à leur candidat d’en tirer profit en 2022 et de s’afficher en rempart contre les populismes. Quel est votre avis ?

J’espère que le président et son exécutif seront capables de se hisser à la hauteur de l’enjeu. L’Allemagne a remarquablement utilisé cette occasion, en obtenant par exemple la finalisation du traité UE/Chine. Si je suis contre la ratification de cet accord, je constate que les Allemands ont, sans se mettre en scène, sans poursuivre des intérêts politiciens, obtenu un résultat qui constituait une priorité pour eux. Un peu de sobriété et d’efficacité feraient beaucoup de bien à la France. Quant à la mise en scène d’un clivage entre progressistes et populistes, c’est le rêve d’Emmanuel Macron, pas du tout la réalité du débat politique: au Parlement européen, les deux plus grands groupes sont ceux de la droite et de la gauche. Emmanuel Macron voudrait exporter à Bruxelles le schéma qui lui a permis d’être élu à Paris, et qu’il décrit depuis le début comme la seule alternative politique possible ; mais il se retrouvera bien seul s’il essaye de raconter cette histoire aux pays européens: au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Quel sera l’effet de ce mandat sur la présidentielle en France ?

Si cette présidence parvient à placer l’Europe dans le débat français, ce sera une bonne nouvelle, car les décisions discutées en ce moment au sein des institutions européennes sont déterminantes pour l’avenir de notre pays: il est urgent que les Français, informés sur ces enjeux, aient l’occasion de se prononcer.

>> Lire l’interview sur LeFigaro.fr

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