Bruno Retailleau : « Reporter encore les régionales serait une dérive autocratique »

22 mars 2021

Pour le président du groupe Les Républicains au Sénat, l’argument sanitaire invoqué pour reporter une nouvelle fois les élections régionales et départementales n’est qu’un « prétexte » afin d’éviter à En Marche une nouvelle défaite.

L’exécutif envisage un nouveau report des régionales et des départementales au motif qu’il sera difficile de faire campagne au printemps. Qu’en pensez-vous ?

Je crains que cela ne soit qu’un prétexte. Autour de nous, les élections se tiennent. La France se singulariserait en confinant sa démocratie. J’ai également du mal à croire que le virus en serait la seule cause parce qu’il y a quelques mois, Emmanuel Macron, lors d’un déjeuner avec le président et le vice-président de l’Association des régions de France, Renaud Muselier et François Bonneau, avait indiqué que, pour que les régions puissent bénéficier de l’argent du plan de relance, il fallait accepter de remettre plus tard les élections régionales. Ensuite, Jean-Louis Debré, témoignant au Sénat de ses travaux dans le cadre d’un premier report d’élection, indiquait qu’il s’était vite rendu compte que ses commanditaires voulaient qu’il justifiât d’enjamber la présidentielle. Cela introduit une suspicion.

L’argument sanitaire ne tient pas ?

Aujourd’hui, on peut faire de vraies campagnes avec le numérique. Les meetings à la grand-papa déplacent un peu de monde, mais il y a une décorrélation totale entre remplissage des salles et scores électoraux. Il y a aussi beaucoup de télévisions et de radios locales. Les marchés sont ouverts, on peut distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres : on peut bien évidemment faire campagne. J’ai peine à croire, alors qu’on télétravaille et qu’on accomplit un certain nombre d’actes de la vie sociale grâce au numérique, que le seul acte impossible, c’est voter. De plus, ce virus est très lié à la saisonnalité, à la température, à l’hygrométrie : on a pu voter en juin dernier pour le second tour des municipales, sans problème. Pourquoi pas en juin prochain ? Tout cela est suspect… Ce serait une terrible défaite de mettre la démocratie entre parenthèses, une dérive autocratique très préoccupante.

Le gouvernement dit qu’il suivra l’avis du Conseil scientifique, conformément à la loi…

La décision du gouvernement n’est pas liée, en droit, à la position du Conseil scientifique. L’article 3 de la loi du 22 février dit: « Au plus tard le 1er avril 2021, le gouvernement remet au Parlement, au vu d’une analyse du comité scientifique (…), un rapport sur l’état de l’épidémie de Covid-19, sur les risques sanitaires à prendre en compte et sur l’adaptation nécessaire à la tenue des scrutins et des campagnes électorales les précédant. » Nous avons proposé d’adapter les règles à la crise sanitaire, par exemple qu’un électeur puisse porter deux procurations.

Cela changerait-il beaucoup de choses d’organiser ces élections en octobre ?

Si l’on en croit la saisonnalité du virus, octobre est pire que juin. Ensuite, on aurait un problème de confusion des comptes de campagne à quelques mois de la présidentielle. Il faut arrêter de jouer avec le calendrier électoral. Une démocratie mature, sereine, c’est une démocratie qui est prévisible, avec laquelle on ne joue pas sur les règles en permanence. La crise démocratique en France a de multiples origines, mais a-t-on besoin d’en rajouter, en tripatouillant le calendrier ? C’est malsain. La République en marche a fait moins de 3% aux élections municipales de 2020. Il n’est pas besoin d’être un grand politologue pour comprendre que l’intérêt d’Emmanuel Macron est d’essayer d’éviter les élections territoriales, qui pourraient être une nouvelle défaite avant la présidentielle.

Trois des candidats potentiels des Républicains à la présidentielle seront candidats aux régionales. Dépendre de ce calendrier, n’est-ce pas une fragilité pour votre parti, ?

Si, bien sûr, il y a une double fragilité. Que ce soit pour Xavier Bertrand, pour Valérie Pécresse ou pour Laurent Wauquiez, plus on retarde l’élection régionale et plus c’est compliqué. Cela peut aussi tuer toute idée de primaire. Car s’il n’y a pas de candidat naturel qui s’impose à droite, ce qui est la plus forte probabilité, alors des primaires seront organisées, précisément en octobre. Il peut y avoir aussi un intérêt d’Emmanuel Macron à les tuer.

>> Lire l’interview dans L’Opinion.fr

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