La maire (LR) du VIIe arrondissement de Paris, ex-Garde des Sceaux Rachida Dati, revient sur le projet de réforme de la justice d’Eric Dupond-Moretti. Elle évoque pour la première fois la condamnation de son mentor, Nicolas Sarkozy, et affirme qu’elle n’imagine pas qu’il puisse soutenir un autre candidat que celui de la droite en 2022.
Est-ce que vous trouvez normal que la police évacue les quais de Seine pour des raisons sanitaires, comme elle l’a fait ce week-end ?
Depuis le premier confinement, on sait qu’il y a un problème de contrôle des flux dans l’espace public à Paris et notamment dans certains lieux de promenade comme les quais. Les images de la semaine dernière auraient dû permettre d’anticiper ce qui allait se passer ce week-end. La gestion des quais et de l’espace public est de la compétence d’Anne Hidalgo et il est clair qu’elle ne fait rien pour limiter la diffusion du virus. Comme elle n’a rien organisé et que Paris n’a pas de police municipale pour réguler les flux, la préfecture de police a dû se substituer à la responsabilité municipale.
Est-ce que vous trouveriez pertinent de repousser le couvre-feu après 18 heures à Paris, comme l’a évoqué Anne Hidalgo ?
Il y a quelques jours encore, Anne Hidalgo proposait un confinement strict. Aujourd’hui elle propose de repousser l’horaire du couvre-feu. Ces propos sont à la fois incohérents et méprisants pour les Parisiens et les Franciliens.
Etes-vous favorable à la mise en place d’un passeport vaccinal ?
Un passe sanitaire pour expérimenter des reprises d’activités, pourquoi pas ? Mais le passeport ne peut être envisagé que si le vaccin est accessible à tous.
En tant qu’ancienne garde des Sceaux, quel regard portez-vous sur la réforme de la justice que s’apprête à présenter Eric Dupond-Moretti ?
Ce qui est proposé aujourd’hui n’est pas une réforme profonde de la justice pour rétablir la confiance entre la justice et le citoyen. C’est une série de mesures techniques. L’urgence, en raison de l’explosion de la délinquance, est d’adopter rapidement une politique pénale et une stratégie du retour à l’ordre. C’est ce qui fait défaut aujourd’hui. Réformer la justice en profondeur exige un large débat démocratique et l’élection présidentielle en est le meilleur cadre. Les principes à revoir doivent concerner notamment la responsabilité des magistrats, les droits de la défense, l’instauration d’un réel Code pénal des mineurs et une véritable politique pénitentiaire.
Il propose notamment la suppression des remises de peine automatique. Une bonne idée ?
La réduction automatique des peines n’existe pas dans le code de procédure pénale. Toute réduction de peine est conditionnée soit au bon comportement soit aux gages de réinsertion. Donc, c’est un faux sujet. Le sujet est de donner la possibilité à chaque détenu d’avoir un vrai parcours de réinsertion ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Sur la réforme pénale, il est question de limiter à deux ans les enquêtes préliminaires. Est-ce ce que c’est une bonne chose ?
Limiter dans le temps les enquêtes préliminaires, et pouvoir les prolonger par décision motivée, est un bon principe dans un Etat de droit. Mais il faut noter que les enquêtes préliminaires sont souvent de plus en plus longues en raison de la complexité des affaires et de la procédure pénale, mais aussi du manque d’enquêteurs spécialisés.
On ne vous a pas entendu sur la condamnation de Nicolas Sarkozy, dont vous êtes pourtant proche. Pourquoi ?
Je reste fidèle à Nicolas Sarkozy dont je ne peux remettre en doute la probité. Je ne me suis pas exprimée la semaine dernière parce que je considère qu’il faut garder de la sérénité et de la mesure dans ce type de débats.
Nicolas Sarkozy a-t-il raison de dénoncer un acharnement judiciaire ?
Tout le monde dit qu’on ne doit pas commenter une décision de justice. C’est un peu facile ce circulez, il n’y a rien à voir . On peut commenter la procédure qui a conduit à la décision de justice et tout le monde s’accorde à dire que cette procédure a été émaillée de nombreuses singularités : une enquête de plus de six ans, une enquête secrète qui n’a jamais été versée au débat, une enquête qui a été ordonnée par le garde des Sceaux et le Premier ministre à l’encontre des trois magistrats du Parquet national financier (PNF) à l’origine de cette enquête, et la mise sous écoutes d’un chef de l’opposition pendant des mois.
Nicolas Sarkozy a définitivement fermé la porte à une candidature en 2022. Qui est le meilleur candidat de la droite ?
Aujourd’hui, il n’y a pas d’évidence. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut porter nos valeurs, même si la présidentielle ne commencera vraiment qu’après les régionales. Je n’ai pas de doutes que la droite en sortira confortée comme lors des scrutins précédents. Et, je le dis à mes amis, ne tombons pas dans le piège d’Emmanuel Macron, qui a compris que la France est majoritairement sur nos valeurs, et souhaite nous diviser pour nous affaiblir.
Imaginez-vous que Nicolas Sarkozy puisse soutenir un autre candidat que celui de la droite en 2022 ?
Je ne peux pas l’imaginer.
Pour 2022, vous avez plusieurs fois dit vouloir jouer un rôle. Où en êtes-vous ?
Je suis plus déterminée que jamais au regard d’une France totalement disloquée.
En étant candidate ?
Tout le monde peut être candidat. Mon objectif est de garantir la dynamique collective et de ne pas fragiliser ma famille politique.
En cas de duel Macron-Le Pen, êtes-vous favorable à la position du ni-ni ?
Il faut cesser d’installer médiatiquement ce duel dont les Français ne veulent pas. Attention, à force de persister, le risque est grand d’aggraver la défiance des Français vis-à-vis des politiques et au final de les décourager d’aller voter. J’aime trop la politique, ce sont les Français qui décideront.
Pourquoi avoir lancé une plateforme pour les jeunes La France vous appartient ?
On dit que toute une jeunesse ne se sent plus intégrée à la France. Je ne crois pas qu’elle rejette la France mais elle ne trouve plus sa place dans un destin commun. Il faut entendre cette colère. Et je le dis avec force, il vaut mieux la canaliser politiquement et démocratiquement plutôt que de laisser les anti-républicains la retourner contre la République.