Annie Genevard, députée du Doubs et vice-présidente de la commission spéciale, est l’une des oratrices du groupe lR sur le projet de loi visant à conforter la laïcité et les principes républicains.
Quel est le sens des amendements défendus par la droite à l’Assemblée ?
Cette loi doit sortir du non-dit face à l’islam radical et ses dangers. Ce sont des enjeux d’une urgence absolue mais le texte du gouvernement est trop tiède et trop peureux. Or, la peur n’évite pas le danger, elle l’entretient. De plus, la majorité a largement taillé dans les amendements dont il ne veut pas, au prétexte de l’irrecevabilité. Temps législatif programmé, procédure accélérée, refus d’amendements… Manifestement, le gouvernement veut museler le débat. Mais Les Républicains proposent une vraie reconquête républicaine.
Avec quels outils ?
Lors de son audition, François Baroin nous a rappelé ce qui s’était passé sur la question du voile en 2004. Dans le cadre de l’interdiction des signes ostensibles religieux à l’école, on lui avait promis une rentrée cataclysmique mais elle n’a pas eu lieu. Le président des maires de France propose une extension de la neutralité religieuse aux espaces de services publics et plus seulement au sein de ses services. Cela signifie que les usagers seraient concernés et plus seulement les agents. Nous sommes plusieurs à porter des amendements allant dans le sens de cette mesure forte. Ce sera certainement l’un des points les plus débattus face à une majorité que j’ai pu juger très à gauche sur ces sujets. Mais Les Républicains vont réaffirmer avec force la laïcité à la française car on ne peut pas se résoudre à voir nos villes changer.
Pourquoi les nombreuses dispositions du texte risquent-elles d’être inopérantes, selon vous ?
Parce que certains points essentiels manquent! Voile, immigration, monde associatif… De nombreux sujets ne sont pas suffisamment traités. L’amendement LREM proposant d’interdire le port du voile pour les fillettes a été rejeté mais il soulève pourtant des interrogations légitimes. Aurore Bergé a eu raison d’aller sur ce terrain et je m’interroge personnellement sur les vraies motivations de ce rejet. Le CFCM a-t-il obtenu du gouvernement que cette question ne vienne pas dans le débat? Le voile en France nous montre que l’islam radical est engagé dans la conquête de l’espace public mais le gouvernement ne souhaite pas aborder cette question, ni celle de l’immigration, alors que tout le monde sait que le communautarisme, le séparatisme et l’islamisme y sont directement liés. Ne pas vouloir poser cela clairement est une faute car on voit bien que la loi asile et immigration n’a rien résolu. La France continue à être une terre très attractive pour une immigration incontrôlée qui détourne largement le droit d’asile et pour lequel les expulsions sont quasiment impossibles. Notez, par ailleurs, que je vais proposer un amendement «Samuel Paty» sur le délit d’entrave d’enseigner.
Comment analysez-vous les réserves de l’autorité administrative des défenseurs du droit face à ce qu’elle perçoit comme une atteinte aux libertés ?
Faute de traiter le problème central de l’islam radical, le gouvernement fait le choix de toucher aux libertés de manière globale, notamment en matière d’enseignement. Faute de ciblage précis, le texte s’expose à toutes les critiques. Les cultes et les associations se considèrent comme les victimes collatérales de cette loi. C’est bien pour éviter cela que nous proposons d’y réintroduire, par amendement, ce que nous avions initialement proposé via une modification de la Constitution. Poser clairement des principes dans la loi fondamentale aurait constitué un appui et une sécurité juridiques chaque fois que le juge ou l’administration opposent des arguments contre la propagation de l’islam radical. Ne nous trompons pas: l’idéologie salafiste se saisira de toutes les ressources du droit pour s’opposer aux mesures visant à la contenir. C’est pourquoi nous devons absolument être mieux armés pour lutter contre les radicaux les plus déterminés. Le Conseil d’État a fait la leçon au gouvernement en lui reprochant de ne pas contextualiser sa loi sur l’islam radical, sujet qui fut pourtant la motivation initiale du texte. Le gouvernement a été obligé de rétablir ce contexte dans l’exposé des motifs de sa loi mais ne pas oser nommer le problème est un criant aveu de faiblesse. C’est pourquoi je propose trois amendements pour préciser ce dont on parle. Notre position n’est pas fermée. Nous attendons simplement du gouvernement qu’il ne le soit pas non plus.